Dex Le Maffo : « l’Electro Arabe est un courant à part entière »

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Une émergence à la fois ethnique et moderne

Tandis que la culture underground de la musique électronique tente de s’ancrer tant bien que mal dans la plupart des pays arabes, l’Electro Arabe, elle, est entrain de se propager dans le monde à toute vitesse. Est-ce devenu une tendance ? Depuis quelques années, de grands calibres ont émergé dans ce sous genre musical tels que Acid Arab, Sabi, Goldclap, Cairo Libration Front ou Bedouin et se sont exportés mondialement. De l’autre côté de la Méditerranée, de jeunes talents marocains commencent à se faire un nom sur la scène locale et contribuent à ce mouvement en participant à de grandes manifestations musicales culturelles et artistiques tels que l’Oasis Festival ou encore l’Atlas Eelectronic. Badr Khiyat alias Dex Le Maffo est un artiste émergent marocain de 31 ans et il nous fait part des origines de ce courant, de son parcours et des obstacles auxquels il est confronté.

Dex Le Maffo
© Badr Khyiat

NBD : Quels ont été tes débuts dans la musique électronique ?

Dex Le Maffo : Mes premiers pas sur la scène remontent à 2014 en co-fondant le collectif Red Circle qui organisait des réunions musicales bi-mensuelles dans des repères underground de Rabat sous l’égide de Happiness Therapy. S’en est suivi ensuite un voyage à Tanger la même année pour le festival Nuits Sonores, où j’ai rencontré de grands noms de la scène clubbing européenne dont la Djette Moxie (BBC Radio 6) et Mehmet Aslan (du label Disco Halal). Ce dernier a été la découverte du festival avec sa fusion Electro Orientale, influencé par le folklore turc à travers ses édits et ses productions musicales.

NBD : Est-ce les rythmiques arabes qui t’ont poussé à faire de la musique électronique, ou le contraire ?

Dex Le Maffo : La musique a toujours fait partie intégrante de mon quotidien, qu’elle soit folklorique, orientale ou occidentale. J’ai par la suite eu envie d’explorer le patrimoine musicale et les rythmiques folkloriques de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient mais aussi l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine. Ce travail de recherche a donné vie au concept « Hadra Electro » en janvier 2016. Compte tenu de la position géographique du Maroc, le Royaume a toujours été une terre de tolérance, de paix et de brassage culturel entre les communautés musulmanes, juives et berbères. La diversité du patrimoine dans laquelle j’ai baigné a eu un impact très fort sur ma perception et ma sensibilité musicale. Avec l’avènement des courants musicaux modernes ( le jazz, la funk, la disco ainsi que la House et la Techno plus tard), j’ai pu développer mon savoir faire et ma technique de mixage et de montage sonore pour les besoins de la Hadra. D’ailleurs, le mot Hadra renvoie à la présence des esprits mais aussi à la trancendance de l’esprit par le mouvement dans la culture soufie.

NBD : D’après toi, quelles sont les références actuelles de l’Electro Arab ?

Dex Le Maffo : Depuis quelques années, plusieurs artistes ont apportés énormément de choses pour ce courant Electro Arabe, dont le duo parisien Acid Arab mais aussi Moscoman, Mehmet Aslan, Dixon, Floating Points, Boddhi Satva, Chaim, Simple Symmetry, Acid Pauli ainsi que le mouvement « Electro Chaabi » en Egypte (ayant vu le jour durant la revolution de 2011) mais aussi les artistes locaux marocains dont les producteurs Cee el Assaad, Omar FNX et Amine K.

NBD : Comment est-ce que tu perçois l’avenir de ce courant ?

Dex Le Maffo : L’Electro Arabe/ Orientale a un grand potentiel et permet justement aux artistes impliqués de briser ces barrières et laisser libre recours à leur imagination, interprétation et d’explorer encore plus leur potentiel créatif compte tenu de la richesse des mélodies et des rythmiques du folklore. N’empêche que le manque de moyens et de soutien au niveau local freine quelque peu le développement de la scène électronique au Maroc, que ce soit au niveau légal qu’au niveau médiatique à l’échelle nationale.

NBD : Comment as-tu atterris aux platines du festival Atlas Electronic ?

Dex Le Maffo : Ma première apparition dans un festival fut à l’ouverture de la première édition du festival Atlas Electronic en septembre 2016, en tête d’affiche en compagnie de James Holden et des Maalems (des maitres) de la musique Gnaoua; suite à l’invitation officielle des organisateurs ayant assisté au showcase Hadra Electro quelques jours avant le festival. Cette grande manifestation culturelle et artistique réuni sur 4 jours des artistes de tous horizons dans un cadre cosy, idyllique et friendly de la Villa Janna, un ecolodge luxueux aux allures d’une Casbah traditionnelle construite en matériaux naturels (argile et foin) mais selon des standards architecturaux très modernes, qui amplifie ce choc des cultures entre l’Orient et l’Occident.

 

NBD : Lorsque des artistes comme Acid Arab, Acid Pauli ou Bedouin ont des dates dans des pays européens, les salles sont très vite complètes. L’Electro Arabe/Orientale est-elle devenue une tendance d’après toi ?

Dex Le Maffo : C’est bien plus qu’une tendance, c’est un courant, un mouvement à part entière, plus global. Et comme sous genre tu as les sons du Maghreb et du Moyen-Orient mixés avec de l’Electro (house, downtempo, techno, acid ou encore de la deep) et même de la musique Lounge d’ailleurs; je cite les Buddha Bar, dont le premier volet qui est sorti en 1999 est mixé et sélectionné par les soins de Claude Challe, sacré référence que j’ai omise d’ailleurs.

NBD : Quel est ton rêve en tant que DJ marocain ?

Dex Le Maffo : De pouvoir vivre de ce que je fais avec amour et passion, contre vents et marées, je n’ai pas de soutien ni l’influence nécessaire pour financer mes projets. D’autant plus que la corruption et l’abus de pouvoir sont choses courantes au Maroc, sans parler des problèmes d’égo au sein de la scène qui est petite mais en pleine expansion. La scène est très petite, il y a des amitiés qui naissent, des amours, mais aussi des jalousies et des conflits. Mais heureusement qu’il y a des gens qui croient à cette vraie culture underground.

NBD : As-tu déjà obtenu des dates à l’étranger ?

Dex Le Maffo : J’ai eu et je continue à recevoir des propositions et des invitations pour me produire hors du pays et pour le représenter, mais il y a toute une procédure avec la commission du ministère de la culture… D’autant plus je ne passe sur aucune radio locale, et qu’il n’y a pas d’émission radio ou TV qui traite de la musique électronique. Encore heureux qu’on a fait la une de la chaine nationale mais c’était dans le cadre des journées du patrimoine culturel et architectural de Rabat et Salé où j’ai organisé une Hadra Electro dans un bastion datant du 13eme siècle en avril dernier. N’empêche que c’est toujours les personnes venues d’ailleurs qui s’y intéressent beaucoup plus et qui créent des opportunités. Atlas Electronic est une initiative hollandaise avec une équipe maroco-hollandaise, donc au niveau local pour les locaux, je te laisse imaginer comment ça se passe…

Dex Le Maffo
© Atlas Electronic

Les sets folkloriques et occidentaux de Dex Le Maffo te permettront de découvrir le talent de cet artiste encore peu connu sur la scène mondiale, avec des rythmiques et des mélodies qui te feront voyager au coeur de l’émergence de cette culture. L’Electro Arabe représente aujourd’hui un mouvement en perpétuel progression, mais ce phénomène nécessite cependant quelques améliorations. Le Maroc est un des pays qui ne présente pas assez d’opportunités, tant au niveau légal que médiatique, à certaines carrières qui méritent d’être boostées. Contrairement à la Tunisie qui accorde de plus en plus d’importance aux artistes de musique électronique, notamment avec un projet de loi qui leur permettra peut-être d’obtenir un statut d’auto-entrepreneur afin d’avoir la possibilité de se produire à l’étranger.

Souncloud : Dex Le Maffo

Par NBD.

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