l’île Maurice, au paradis, l’esclavage moderne

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Les travailleurs immigrés sont victimes de discriminations et de violences directement héritée du temps de l’esclavage à l’île Maurice.

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L’île Maurice se situe dans l’océan Indien à l’Est de l’Afrique, près de Madagascar ainsi que de la Réunion. Autrefois appelée l’Isle de France, cette terre a été colonisée au 16ème siècle pour la première fois par les hollandais. En 1641, le commerce d’esclaves en provenance de Madagascar commence et ouvre la voie d’une longue période de dur labeur pour les habitants de ces îles tant convoitées par les colons occidentaux. Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu et les esclaves malgaches surnommés « les marrons » s’enfuient dans la forêt pour échapper au travail forcé. Trop compliqué pour les hollandais de partir à leur recherche (trop d’énergie, ahah)  : ils optent pour des esclaves du Mozambique au sujet desquels on peut lire sur le site de l’île Maurice qu’ils « sont jugés plus dociles, robustes, laborieux et en plus, ils n’ont aucune velléité d’évasion. ». Une aubaine !
En 1715, l’île Maurice devient une possession française. Ces derniers vont alors chercher les esclaves forts, endurants et fidèles jusqu’au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Bengale. Jusqu’en 1810, l’île Maurice observe une phase de prospérité, notamment grâce à la route des Indes que les bateaux empruntent avec leur cargaison. Cependant, les Anglais voyant leurs adversaires plutôt bien lotis, commencent à se motiver… Plusieurs batailles navales éclatent entre les Français et les Anglais jusqu’à ce que les premiers capitulent. Les Anglais prendront la main sur l’île jusqu’en 1968. Le pouvoir colonial anglais vote le Slavery Abolition Act en 1833 pour mettre fin à l’esclavage sur l’île, et celui-ci est définitivement abolit en 1835. Mais ça, ce n’est que de l’encre sur le papier…

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C’est sur cette montagne que les esclaves s’enfuyaient pour échapper au travail forcé.

L’île Maurice est connue pour être le fief de la production de rhum, de canne à sucre et de textile. Alors dès que cela a été possible, des hommes d’affaires peu catholiques ont monté leur affaire sur ce petit bout de terre perdu au milieu de l’océan dans l’espoir de faire fortune en alliant le pratique à l’économique. Pour les habitants, usine est synonyme de travail tandis qu’à l’inverse, c’est synonyme de main d’oeuvre à bas coût. Voilà comment très rapidement et surtout en 1988, on assiste à l’explosion du nombre d’immigrés en provenance de Chine, du Sri Lanka, d’Inde et de Madagascar. Dans ces pays à l’époque pour la plupart sous-développés, le salaire que propose les entreprises fraîchement implantées est plus qu’attrayant : un travailleur gagne environ 200 francs par mois. Un salaire dérisoire pour un travail à la chaîne éreintant dont les chefs d’entreprises profitent allègrement, tout en bénéficiant d’avantages fiscaux comme l’exonération des droits de douane ainsi que des impôts sur les bénéfices réduits à 15%. Le paradis des industriels est l’enfer des travailleurs immigrés.

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Aujourd’hui, l’île Maurice compte un nombre impressionnant de travailleurs immigrés. Parmi les 30 000 recensés, 5 834 sont bangladais, 11 800 sont indiens, 6 700 sont chinois, 2 000 sont malgaches et 268 sont népalais (environ). Et au-dessus de tout ça, seulement une poignée de blancs dont la fortune repose sur ces travailleurs indispensables au bon fonctionnement des usines qui pourtant, sont encore victimes de l’esclavage. Cela s’appelle l’esclavage moderne.

Les immigrés employés dans les usines de textile, de rhum ou de sucre sont victimes de discrimination et de violences physiques, n’ont pas accès à des logements décents et ne peuvent bénéficier d’une protection juridique dans leur emploi. De plus, le salaire alléchant qu’on leur avait promis avant d’arriver sur l’île n’est qu’un tissu de mensonge : on leur avait dit qu’ils gagneraient environ 665 dollars. La triste réalité est que ces personnes dans le besoin qui ont osé quitter leur famille, vendre leur maison et faire un prêt bancaire pour pouvoir économiser et subvenir aux besoins de leurs proches tombent tout bonnement de très haut lorsqu’ils posent les pieds sur l’île Maurice.

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Les chefs d’entreprises maltraitent et exploitent les personnes immigrées venues gagner leur vie, pour s’enrichir chaque jour un peu plus.

Dans une enquête publiée sur Inter Press Service Afrique, les journalistes racontent leur voyage au coeur des usines implantées sur l’île Maurice. Lors de la visite d’un des bâtiments censé être un dortoir, ils découvrent un espace en béton où les panneaux de bois font office de murs pour séparer les quelques 50 personnes qui s’y entassent entre leurs heures de travail. D’ailleurs, le peu de travailleurs qui ont osé manifester pour leurs droits ont été aussitôt congédiés.
Ginowrie est assistant social de Baie-du-Tombeau, et a suivi pendant trois ans des travailleurs bangladais et indiens :

Je ne suis pas autorisé à les rencontrer, et ils sont prévenus de ne pas se plaindre à moi. Je connais des femmes bangladaises qui ont été renvoyées à coups de pieds par leurs patrons. Elles sont retenues dans les usines à des heures très tardives la nuit.

Si le ministre de l’emploi et du travail considère que ce n’est pas « normal » et « correct » de traiter ainsi des personnes venues travailler pour vivre et contribuer ainsi à l’économie de l’île et des entreprises, aucune décision réellement utile et constructive n’a été prise. De plus, ce ne sont pas les firmes qui vont se soucier de leurs esclaves modernes. Le président de l’Association Mauricienne d’Exportation (MEXA) se justifie au sujet des dortoirs insalubres ainsi :

Nous devons comprendre que ces gens viennent des régions pauvres et insalubres de leurs pays où l’hygiène fait défaut. Ils ont mis les dortoirs dans un tel état que l’on ne peut pas y entrer à cause des mauvaises odeurs.

 

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