Le théâtre de rue des revendications new yorkaises
Whose Streets ? Our Streets ! retrace l’époque de violentes confrontations dans le New York des années 80 à 2000. Exposée au Bronx Documentary Center, cette rétrospective photographique, étrangement pertinente et d’actualité, est le résultat d’un travail d’un an et demi. Une cohorte de photographes, nés entre 1950 et 1970, s’est engagée à documenter ces luttes pour le changement social, au fur et à mesure qu’elles se déroulaient. Des violences policières aux droits à l’avortement, cette exposition balaye les plus grands rassemblements de l’histoire de New York.
Les tensions raciales ont dominé la politique de New York dans les années 80 et 90. La ségrégation résidentielle a laissé des quartiers pauvres, comme le sud du Bronx, avec une majorité d’Afro-américains et de Portoricains. Les jeunes blancs de la classe ouvrière de Brooklyn et du Queens tentaient de leur côté de préserver cette ségrégation par la violence. Le leader des droits civiques, Révérand Al Sharpton, a mené des manifestations tendues dans les quartiers blancs. Les tensions se sont échauffées lors d’une émeute de 3 jours à Crown Heights à Brooklyn en août 1991, opposants des résidents afro-américains et afro-caribéens contre la communauté juive orthodoxe.
L’usage excessif de la force par la police a été un problème clé pour les afro-américains et les latinos dans les années 80 et 90. Des manifestations contre les traitements violents causés par une large majorité des forces de police blanches sont alors nées. Les cas les plus connus portent le nom de Michael Stewart, 25 ans, étudiants afro-américain, mort en 1983, ou encore Amadou Diallo, 22 ans, immigré guinéen tué par balle en 1999. En 1993, le démocrate David N. Dinkins, premier maire afro-américain de la ville de New York, a crée la première commission de plaintes en matières de droits civiques.
Les conflits mondiaux ont eu une résonance particulière à New York, surtout parmi les immigrés et leurs descendants, de même que parmi les pacifistes et activistes. En 1982, le mouvement anti-nucléaire a tenu l’un des plus grands rassemblements de l’histoire de la ville à Central Park. Les manifestants exhortent le Président Ronald Reagan à mettre fin à la prolifération des armes nucléaires et à sauver la planète de la menace d’un hiver nucléaire. Certains New Yorkais se sont opposés à l’intervention militaire américaine en Amérique centrale et ont appelé à la paix pendant le première Guerre du Golfe (1990-1991), tandis que d’autres sont descendus dans la rue pour protester contre les conflits religieux en Irlande du Nord et au Moyen Orient dans les années 80 et 90.
New York était un épicentre de l’épidémie du virus du sida à cette époque. Les membres de ACT UP (association militante de la lutte contre le sida) ont organisé des manifestations et des actes de désobéissance civile pour attirer l’attention sur les taux de mortalité très élevés, de soins médicaux et de services de soutiens insuffisants.
Au début des années 90, les militants queer ont cherché à élargir le mouvement gay et lesbien afin d’intégrer les bisexuels et les transgenres. Cette initiative allait également dans le sens du rejet de la différenciation binaire entre « hétérosexuels » et « homosexuels ». Ces militants se sont mobilisés en réponse aux violences homophobes contre les personnes LGBT. À New York, les groupes d’action directe, comme Queer Nation ou les Lesbian Avengers, se sont formés pour accroître la visibilité des personnes concernées et créer un espace sûr pour chacun.
Le droit à l’avortement a été vivement contesté dans les années 80 et 90. D’un côté, les mouvements anti-avortement utilisaient le théâtre de rue, la désobéissance civile et la violence pour fermer les cliniques. De l’autre, les activistes des droits pro-avortement manifestaient pour l’accès des femmes à l’avortement. Randall Terry, fondateur du groupe radical Operation Rescue en 1986, a appelé les partisans à bloquer les entrées des cliniques aux femmes qui tentaient d’y entrer. Il savait attirer l’attention et s’en servait presque pour choquer. En 1992, il avait ainsi livré un présumé fœtus avorté à Bill Clinton. Un festin, qui lui aura valu une arrestation.
Alors que l’économie de New York se rétablissait de la crise financière des années 70, les promoteurs immobiliers se sont emparés des quartiers anciens pour construire des appartements de luxe. En démolissant des résidences pour personnes seules à bas loyer (SRO), le nombre de sans abris est parvenu à un score record. En août 1988, le conflit sur la gentrification et le droit à l’espace public a atteint son point critique au moment de l’émeute de Tompkins Square Park. 38 personnes blessées et plus de 100 plaintes pour violences policières.
Les inégalités de revenu et de pauvreté ont augmenté à New York dans les années 80. Les résidents et travailleurs ont alors lutté pour préserver les services publics et s’opposer aux réductions de salaire. En 1991, les étudiants de l’Université de New York, qui ne payaient pas de frais de scolarité depuis 1976, se sont mis en grève pour exprimer leur colère face au projet de réduction budgétaire, à la hausse des frais de scolarité et à l’élimination des bourses.
Avortements, droits de gays et lesbiennes, éducation sexuelle dans les écoles publiques et censure des arts ont été les pierres angulaires des guerres culturelles des années 80 et 90. Les féministes ont également eu un rôle important à cette époque avec les manifestations contre le viol et le harcèlement sexuel. Elles ont appelé à une plus grande intégration des femmes artistes dans les musées de la ville ainsi que des positions de leadership politique.
Manon
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