Des dents de lait aux règles, un règne encadré
Au Népal, la tradition des déesses vivantes se perpétue depuis de longues années. La plus célèbre, la royale de Kumari de Katmandou, est adulée comme la protectrice du pays.
Selon une légende, le dernier roi de Katmandou sortait la nuit venue pour jouer aux dés avec une déesse. La reine eut quelques doutes suspicieux et décida de suivre le roi. A la vue de la reine, la déesse devint furieuse et partie pour de bon. Affecté, le roi voulu retrouver cette dernière. Il envoya alors sa garde à sa recherche avec une liste de 32 critères précis. Depuis ce jour, toute petite fille ressemblant parfaitement à ladite déesse est considérée comme sa représentation vivante.
A partir de 4 ans, les filles sont sélectionnées par un comité de prêtres bouddhistes selon les 32 critères, pour représenter la divinité. Elles doivent entre autres :
- Ne porter aucune cicatrice.
- Avoir de grands yeux entourés de cils
- Une excellente santé
- Une peau douce et sans défaut
- Les pieds et les mains comme un canard
- Des cuisses comme celles d’un daim
- Des cheveux noirs et raides tournés vers la droite
Puis on les enferme dans une salle obscure, dans laquelle sont déposées les têtes ensanglantées de 108 buffles. Comme la jadis déesse, la petite fille ne doit trembler de peur devant cette épreuve. Au final, seule une enfant deviendra la déesse de Kumari. Vêtues constamment de rouge, couleur divine, ses grands yeux sont khôlés pour chasser les démons.
Une armada de serviteurs la lave, l’habille, la nourrit. Elle bénéficie également d’une éducation depuis peu, mais passe la plupart de ses journées assises à attendre les fidèles et leurs offrandes. Elles ne peut en aucun cas leur parler, et doit absolument contrôler ses émotions. En effet, un sourire ou autre rictus seraient envisagés comme mauvais présage. Pour maintenir sa pureté, la déesse ne doit jamais toucher le sol et ne peut seulement parler qu’avec sa famille proche.
De plus, elle ne sort du temple, en se faisant porter, que lors de grandes fêtes religieuses.
Le règne prend fin le jour où la première goutte de sang coulera. Remerciée lors de l’arrivée des règles, considérées comme impures, la déesse redevient personne quelconque et retourne dans le monde réel. La transition est cependant difficile, car chérie et servie pendant des années, la pré-adolescente ne sait ni s’habiller, se laver, se coiffer, cuisinier, et marcher avec des chaussures. Pour service rendu à l’Etat, elle reçoit une allocation de 14.000€, somme plus qu’honorable pour vivre au Népal.
Même si la tradition se perpétue, les mœurs ont doucement évolués, les anciennes déesses s’intègrent plus facilement dans la société, et suivent souvent un cursus universitaire. Cependant, les présages ont la vie dure, se marier avec une kumari entrainerait la mort dans l’année qui suit, raison pour laquelle elles ne se marient que très rarement.
Photographies : Stéphanie Sinclair
Solenn Cordroc’h
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