Une soirée de novembre, j’ai noyé mon chagrin dans l’alcool…et dans mon salaire.
Je suis stagiaire à Paris depuis…toujours et je vis, à l’époque, dans une chambre de bonne, alors dépenser mon salaire en une soirée, ça relève pas de l’exploit, juste de la connerie. Mais, ce soir-là, j’avais encore le coeur brisé et fallait que je noie mon chagrin dans l’alcool et dans à peu près tout ce que j’avais sous la main pour oublier.
Bon, quand je suis bourrée, je suis riche. Mais quand je suis bourrée ET déprimée, je suis millionnaire, je crie YOLO partout, je répète en me noyant dans mes larmes de mascara que « ma vie est un échec« , que « je suis épuisée de vivre » et « qu’au point où j’en suis, j’ai plus rien à perdre » tout en flambant la carte bleue de Papa.
Ce soir-là, 11 mai 2011,j’ai 20 ans et je ne suis pas du tout préparée à vivre ce que je vais vivre.
18 h : L’homme de ma vie m’annonce que lui + moi, c’est plus possible. Je pleure ma vie puis j’appelle deux copines à la rescousse : il faut que j’oublie ce moment et j’ai l’impression qu’une razzia de Sex On the Beach pourrait m’aider. Il est tôt mais ce n’est pas tous les jours que je me fais larguer alors j’en ai rien à faire qu’il fasse encore jour et c’est moi qui régale.
20 h : 3×3 Sex on the beach, j’ai la tête qui tourne et je meurs de faim. Comme un mercredi soir, on décide d’aller se goinfrer de sushis. En vrai,je rêve de me caler devant Bridget Jones avec un pot d’ Haagen Daas parce que, de toute façon, à quoi bon vivre ma vie sans luiiiiii…. mais NON, parce que j’ai des copines en or et qu’à l’époque, je n’ai jamais goûté de saké- ni d’absinthe- de ma vie.
9 sex on the beach : 81 euros. Putain d’happy hours parisiennes…
20h 30 : Après mes 32 sushis, le gentil jap’s de mon quartier nous offre un petit digeo au Saké et je suis pas en état de refuser. Je crois que le Jap’s l’a bien compris aussi et il nous ramène une deuxième tournée de saké que je sens passer dans toutes mes entrailles. La troisième et la quatrième, c’est pour moi, je suis dans ma lancée.
22h30 : J’ai chaud et j’ai terriblement envie de fumer. Je paye : 82, 75 euros.
Je rejoins une autre copine chez elle, y’a plus rien à fumer, faut appeler Jeannot. Jeannot, c’est le tendre nom que je donne aux dealers, j’aime bien. Bref, j’appelle Jeannot, il est en forme ce soir, il me ramène mon saint-graal en 30 minutes. Je roule comme une machine parce que j’ai toujours pas oublié que je me suis faite larguée il y a 4 heures. On s’enquille quelques Desperados Red, c’est vraiment dégueulasse ces bières de filles. Ma pote a l’idée du siècle : ses parents tiennent une épicerie de luxe qui vend des savons, des épices et des bouteilles…d’absinthe.
J’en ai jamais bu mais de toute façon, je suis partante pour tout. Sur une boîte Hermès parce qu’on est classe même quand on se la colle, elle commence à chauffer le sucre sur la cuillère au dessus des verres à shot et verser l’absinthe dessus. Je bois ça cul sec, j’ai l’impression que le truc m’a anesthésié les oreilles, la gorge, la langue, tout. On finit la bouteille et c’est là que je rentre dans ma phase classique du Carpe Diem aka le légendaire « on a qu’une vie ! »
La beuh + 3 pack de Desperados Red + 1 bouteille d’absinthe à 18 euros : 96, 60 euros.
Puisque je suis riche, on prend un taxi et on rejoint un collègue stagiaire qui bosse avec moi, au Social Club. Je sais que je peux pas boire de shots parce que l’alcool ça me donne pas la gerbe mais ça me fait des black out de l’autre monde et je meurs de honte quand on me raconte le lendemain. J’essaye de lutter, je bois 3-4 Heineken mais j’en ai marre de lutter quand tout le monde s’enquille à la téquila citron-sel, mes préférés.
A partir de ce moment-là, je vous raconte ma soirée à travers ce que les autres m’ont dit – les blackout, c’est pas une blague, c’est même hyper sérieux et j’ai honte, j’ai vraiment honte de moi quand j’ai bu. Depuis, j’ai arrêté les shots – je me limite à trois par soirs pour pas devenir anti-social mais j’ai peur à chaque fois que je trempe mes lèvres dans de la téquila.
Un shot, deux shots, cinq shots. Je maîtrise le truc à la perfection, hop le sel au coin de la main, je trinque, je m’enfile le shot, je fais la grimace parce que, putain, on dirait du détergeant le truc, je bouffe le citron avec passion et je pose mon verre.
» Tavernier ! J’ai soif ». Je suis partie, je m’arrête plus mais le barman veut plus me servir. Ca fait une heure que je l’appelle Bob Marley parce que le mec est black avec des dreads. Il se marre, j’arrête pas de lui dire que je veux fumer des joints avec lui, je suis mal mal mal.
Il est 3 heures du mat’, j’ai switché avec la vodka redbull et j’ai envie de danser, je sais plus où je suis, je monte à l’étage pour aller aux toilettes, faut que je fasse quelque chose ou je vais mourir ici sur les marches du Social Club et j’avais imaginé autre chose pour finir ma vie, quand j’aperçois mon collègue, je veux courir pour lui parler mais j’oublie que je contrôle plus mon corps et je me vautre dans les escaliers.
Je me relève, je meurs de honte et je me dis que c’est le moment de rentrer, je titube dans la rue, je me cogne contre les vitrines , je penche toujours à gauche quand j’ai bu.
81 + 82.75 + 96.60 + le taxi à 20 euros + les shots 79.80 euros + les Heineken 32 euros + 2 vodka Redbull 24 euros + le taxi 20 euros = 436.15
Je suis stagiaire, je gagne 436.05 euros par mois et j’ai brûlé mon salaire en une soirée….parce que je me suis faite larguée. Je veux même pas savoir ce que ça donnera le jour où je divorce.
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