Squater à la crémaillère de ses voisins est une mauvaise idée.
Mon immeuble est un peu un moulin. Des gens déménagent assez souvent pour laisser la place à de nouveaux voisins. À chaque fois c’est la même chose. Après avoir vu défiler les cartons, on aperçoit rapidement un petit mot dans le hall annonçant une crémaillère et nous demandant de les excuser d’avance pour le bruit. Pour être honnête, en général, je n’en ai pas grand chose à faire. Organisant moi même des apéros et des soirées assez régulièrement chez moi, je n’ai jamais prêté attention au bruit ou même aux voisins tout court. Jusqu’à la semaine dernière.
Après avoir pris une cuite phénoménale en sortant du travail vendredi et avoir dépensé l’argent que je n’ai pas, je décide de m’enfermer chez moi le samedi soir pour ne pas dépenser un euro et surtout éviter toute boisson de nature alcoolisée. En bon casanier du samedi je prépare tout l’attirail pour passer une soirée délicieusement improductive. Je pars acheter deux trois trucs à manger et sur la route je tombe, encore, sur un papier dans le hall annonçant la crémaillère des mes nouveaux voisins d’en face. Le message se veut être léger, drôle et même s’il manque un peu d’originalité – j’en ai tellement lu que je commence à devenir critique – pour la première fois il me donne envie d’y faire un tour. Bref, la soirée se passe, finalement je bois un ou deux verres de vin à la maison parce que merde c’est bon le vin et qu’on était samedi. Vers 21h30 j’entends les gens arriver, faire la fête et je me dis que j’aimerais bien savoir ce que ça fait d’aller à la crémaillère de ses voisins entouré d’inconnus dans un appartement inconnu mais un peu connu puisque logiquement j’ai presque le même. J’hésite un peu et à 22h30 j’enfile des chaussures pour voir comment ça se passe de l’autre côté du couloir.
Je sonne. Rien.
Je toque. Rien.
Là où la majorité d’entre vous ce serait dit que c’était un signe et qu’il fallait abandonner, moi ça m’a encore plus donné envie d’aller y faire un tour. Je décide de sonner de façon plus insistante et là, bingo. La porte s’ouvre. De nature blagueur – et très lourd – je dis d’abord que j’habite l’appartement d’en face et que je n’arrive pas à dormir à cause du bruit. Je laisse « Nathan* » – le nom de mon voisin – se perdre quelques temps dans des explications toutes pourries avant de lui rire au nez. Soulagé et content de rencontrer son voisin, il me fait rapidement entrer. Il me propose à boire, à manger, si je veux mettre de la musique et vas-y qu’on fait un tour de l’appartement. Je suis obligé de me dire que chez moi c’est quand même beaucoup mieux et que mes potes sont vachement plus sympas mais je reste un peu, histoire de voir. En quelques minutes je suis devenu » le voisin » et les gens viennent me demander si « c’est vrai que j’habite en face ». Oui ducon, j’habite en face et je suis passé à la crémaillère de ton pote.
J’ai l’impression d’être de retour au collège. Je suis le petit nouveau de la classe face à des gens qui se connaissent pas coeur. Nathan* garde un oeil sur moi, au loin. Il s’assure que je m’amuse, que j’aie un verre etc. Pour lui, c’est la renaissance et après 3 discours similaires de ses potes complètement éméchés, il m’en refait un : « Tu sais, je trouve ça génial que tu sois venu. J’ai jamais vraiment connu mes voisins ou alors on avait des mauvaises relations et là je me dis qu’on pourrait se faire des apéros communs entre nos deux appartements vu que t’habites en face gnagnagnang« . C’est mignon mais calme toi. Je suis passé parce que je me sentais seul et que finalement ma gueule de bois n’était pas si horrible.
Ce qui a de bon avec l’anonymat c’est qu’on peut très facilement devenir qui on veut. Surtout quand en face de nous les gens sont beaucoup plus soûls que toi. Du coup j’en ai profité pour voir quel profil me permettait de choper le plus facilement. En plus elle(s) n’aurai(en)t pas d’excuses, j’habite en face. Ainsi, pour Marie je faisais des études d’ingénieur, pour Lola j’étais un musicien et pour Sarah, un chômeur déprimé qui voulait rencontrer de nouvelles personnes. Ouais, à ce moment là de la soirée, j’en avais marre de me prendre des vents donc foutu pour foutu. Ça n’a naturellement RIEN donné.
Tout le monde était plus ou moins sympa même si j’ai quand même senti, au bout d’une heure le regard des gens se poser sur moi. Ils devaient se demander, à raison, si j’avais pas autre chose à faire de mon samedi soir. La réponse était non.
Bref, je pars après plus d’1h30 de soirée et décide de clôturer cette folle journée en grande pompes. J’avais toujours rêvé de faire ça. Là c’était l’occasion parfaite.
Juste avant de me coucher, j’ai appelé les flics pour leur dire que mon voisin faisait un bruit pas possible et que ça durait depuis déjà 2heures. J’ai raccroché après avoir donné mon adresse et je me suis endormi avec le goût du travail accompli. Désolé Nathan*…
*Nathan c’est pas son prénom, en vrai il s’appelle Louis Claviou – ou un truc comme ça – mais je voulais préserver son anonymat.
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