L’Inde l’envers du décor

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A l’ombre du Taj Mahal…

ATTENTION, certaines images peuvent heurter la sensibilité

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Clichés et stéréotypes, des généralités incontournables lorsque l’on s’imagine un pays lointain. L’Inde n’échappe pas à ces imaginaires collectifs, fruits d’échos et d’illusions qui déforment souvent la réalité bien plus amère de ce pays qui suscite tant de passions. On s’attend à voir des éléphants couronnés de tapis fuchsia, des foules de mains ornées d’henné, des binji sur le front, des étals de safran, de gingembre et de coriandre, des temples d’or et des festivals de couleurs, comme si l’Inde mythique des « mille et un dieux » ou des « mille et un rêves » devait à tout prix assouvir nos chimères et nos fantasmes les plus envoutants. Mais il suffit de regarder à l’ombre du Taj Mahal pour anéantir la légende: pauvreté extrême, insalubrité, discrimination ou viols impunis… L’Inde, c’est aussi un système de caste moyenâgeux qui perdure dans la modernité de la mondialisation, où l’on passe de la beauté à la laideur, de la diversité à la division, du dégout à la fascination.

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Le Gange

Le karma de la famine

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Troisième économie d’Asie, l’Inde ne fait pas profiter de sa splendide croissance à tous. 840 millions d’indiens vivant avec moins de 2 dollars par jour, 400 millions d’analphabètes, 600 millions privés de soins, 300 millions sous le seuil de pauvreté, 200 millions sans eau potable… On pourrait étendre encore cette triste liste de records d’injustices. A commencer par les conditions de vie des intouchables, appelés aussi Dalits ou Parias, ceux qui portent le Karma de la famine.

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Condamnés dès la naissance à la misère, les intouchables ont peu de marge de manoeuvre. Car en Inde, on nait et on meurt dans une caste, une transmission héréditaire qui se justifie par l’idée selon laquelle les hommes sont fondamentalement inégaux en droits, conséquences d’actions bonnes ou mauvaises dans leurs vies antérieures. Autant dire qu’il n’y a pas d’échappatoire dans cette impasse structurelle où la mobilité sociale reste figée. D’où les villages séparés pour les Parias, tenus à l’écart sans eau ni électricité, l’esclavage de leurs enfants, le viol de leur femme lorsque la facture du proprio est restée impayée. On recense ainsi plus de 29.000 atrocités commises contre les Dalits chaque année. Et encore, ce sont les chiffres de la police, bien en-dessous de la réalité. Et cette Dot, ce terrible fardeau qui pèse sur les épaules du patriarche parfois contraint d’assassiner sa propre fille à la naissance avant qu’elle ne devienne un gouffre financier pour la famille qui doit la marier à tout prix, tradition oblige.

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Le « pays du viol »?

Une femme violée toutes les 25 secondes aux Etats-Unis ou toutes les 7 minutes en France… Loin de moi l’idée de blâmer l’Inde comme LE pays du viol. Ces statistiques démontrent bien que le viol n’est pas spécifiquement indien, c’est une horrible réalité qui subsiste dans toutes les cultures. La seule différence en Inde: sa perception.

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Campagne contra la violence envers les femmes en Inde (UCAN India)

132.000 agressions sexuelles enregistrées en 2014, 26% des affaires portées en justice qui débouchent sur une condamnation des agresseurs… Ça fait froid dans le dos. Conséquence de normes religieuses, sociales et structurelles, la place de la femme dans la société indienne est particulièrement alarmante.

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Le viol collectif de New Delhi, commis le 16 décembre 2012 dans un bus au sud de la ville, a été particulièrement médiatisé en raison de sa sauvagerie et de son barbarisme rarement égalés. Pourtant, il n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, sans parler des viols des intouchables qui ne sont pas comptabilisés. L’ONU parle d’un véritable « problème national« , d’un « débat urgent » car outre ces chiffres inquiétants, le plus préoccupant, c’est la représentation du viol comme crime qui fait encore défaut dans la culture indienne. Ci-dessous: l’un des auteurs du viol collectif de New Delhi ose se justifier en blâmant les femmes qui sortent le soir et attirent le regard des hommes, les considérant responsables de leur agression.

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« Une femme est bien plus responsable de son viol que l’homme »
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« Elle devrait rester silencieuse et laisser l’homme la violer »

Il convient de rappeler qu’en Inde, les garçons sont élevés dans l’idée qu’ils sont supérieurs aux femmes, faites pour les servir et les satisfaire. Et cette supériorité se retrouve dans tous les aspects de la culture indienne. Les sondages parlent d’eux-mêmes: 57% des petits garçons considèrent normal de frapper son épouse. Plus de 90% des policiers sont des hommes, d’innombrables chefs de village ordonnent encore des viols collectifs punitifs… Il suffit d’entretenir une relation avec un habitant d’un village voisin, d’avoir un père qui n’a pas acquitté ses dettes ou seulement sortir le soir. Autant d’exemples qui prouvent que le crime contre les femmes est encore banalisé, malgré le récent durcissement de la législation indienne envers les prédateurs sexuels notamment.

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Une réalité sociale qui tranche avec les foules de barres-selfie au pied des temples féeriques… A méditer sans pour autant éviter cette splendide culture d’une richesse incroyable. Mais sans perdre de vue les innombrables oubliés du pays des « milles et une nuits« .

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