Le trafic des migrants, un business juteux
La Somalie, territoire aride au carrefour entre le Kenya, l’Ethiopie et Djibouti, la « Terre des Dieux » dans l’Egypte antique…. Aujourd’hui, on parlerait plutôt de « Terre du Désespoir » car si ces pays regorgent de beautés naturelles et architecturales abandonnées par les touristes, ils sont le terrain d’un des plus vastes trafics de migrants. Un business du désespoir qui rapporte 15 millions de dollars chaque année aux réseaux criminels organisés qui opèrent sur la route maritime de la Corne de l’Afrique… Pour un total de 3 à 6 milliards de gains dans le monde l’année dernière, selon Europol. Le double des bénéfices 2015 de Facebook …
Fuir à n’importe quel prix
Migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, des laissés-pour-compte, des anonymes sans porte-parole qui tentent de fuir la violence et la famine, une triste routine dans cette partie du continent. 20 ans de guerre civile rien que pour la Somalie, de quoi terroriser des familles entières prêtes à tout pour tenter l’impossible et espérer une petite part du « rêve » occidental. Mais avant d’atteindre les côtes européennes, il faut déjà payer, pas pour un billet classe éco’, plateau repas et accès internet compris. Camions surchargés, traversée du désert, bateaux de fortune… Un calvaire qui coûte très cher. 12.000$ pour un faux passeport, 3.000$ pour finir sur une embarcation de fortune ou 800$ pour une traversée des frontières par les routes… Multiplions ces chiffres par les quelques 100.000 migrants qui fuient clandestinement la Corne de l’Afrique chaque année, les marchands d’âmes ont trouvé un filon qui rapporte gros et dont la demande ne risque pas de diminuer. Extrême pauvreté et conflits meurtriers leur offriront encore des milliers de candidats pour la route vers le Vieux Continent.
Fuir et/ou mourir
Si seulement ça s’arrêtait là… Les victimes ne sont pas au bout de leur peine, il faut subir la violence des trafiquants. Séquestrations, viols et tortures rythment le douloureux voyage jusqu’aux côtes libyennes. Pour arrondir les fins de mois, les passeurs sont prêts à tout: rançon ou tortures physiques, migrants vendus ou abandonnés dans le désert du Sinaï… En bref: si tu ne paies pas à temps des sommes non négociables, les charniers t’attendent.
Traverser le Sahara, c’est pire que de traverser la mer. Dans l’eau, soit tu meurs, soit tu survis mais tu ne fais pas l’objet de souffrance et de peine sans fin. (Haussa, somalienne)
La pénible route à travers la Corne de l’Afrique ne suffisait pas. Il reste encore la traversée des territoires en conflits: Yémen ou Libye, au risque d’être capturé par l’Etat Islamique. Puis le pire de tout: la Méditerranée, dernière étape du périple où 74% des migrants périssent.
Ultime escale meurtrière: la mer
Arrivés au point d’embarquement principal, le port d’Ajdkbiya dans le nord-est de la Libye, les migrants embarquent épuisés après avoir été entassés, rackettés et maltraités dans les centres de rassemblement. Vient la nuit puis la fatidique traversée en mer qui a coûté la vie de 22.000 désespérés depuis 2000, avec une moyenne de 1.500 morts par an.
Fuir la guerre, traverser des terres désertiques ou des territoires en guerre, subir la violence des passeurs, tout ça pour avoir seulement 1 chance sur 4 de ne pas finir comme Aylan, le petit syrien de 3 ans mort dans un naufrage aux larges de la Turquie, dont la photo avait à peine réveillé l’opinion publique. Il incarnera à jamais la terrible fin d’un voyage de l’enfer.
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