Brazilian Brand // OSKLEN

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OSKLEN, le médecin devenu styliste, un créateur pas comme les autres.

« Face à la mer, Oskar Metsavath vend des vestes pour affronter la neige. Et il ne se trompe pas, les clients des hôtels du St Tropez brésilien voyagent et ne trouvent de vêtements vraiment chauds que dans ce magasin : OSKLEN est né ».
Text by Remi Kuzniewski
Oskar, tu as un parcours pour le moins original, très lié au sport, peux tu nous conter tes débuts ?
Je viens du sud du Brésil, d’une famille plutôt académique : ma mère était professeur de Philosophie et d’Histoire de l’Art, mon père de médecine. Le hobby de la famille c’était les sports extrêmes ! Mon père était un des premiers surfeurs du sud du Brésil, pourtant on habitait à 5h de la mer ! J’ai commencé le surf à 12 ans, je me souviens, on fabriquait nous-mêmes nos planches à l’époque, on coinçait un morceau de bois à l’arrière pour faire la quille. C’était un art de vivre, on lisait des revues, je demandais à ma mère de me fabriquer des chemises hawaïennes avec des tissus de rideaux pour sortir le dimanche…
J’ai très vite été intéressé par le Skate, on a conçu une piste avec mon frère Leonardo et des architectes en 77, 78, c’était la deuxième du Brésil seulement… J’aimais tant surfer que la seule solution pour me procurer les mêmes sensations, c’était le skate. Alors j’ai volé les patins de ma sœur, je les ai coupés en deux et j’ai fixé les roues sur une planche…
Bon, ça ne fonctionnait pas du tout, c’est vrai. Alors j’ai reçu un Banana Boat de Californie, le soir, je sortais avec mes amis, mais les rues pavées nous empêchaient de rider. On a arpenté les rues encore et encore jusqu’à trouver une allée de garage en courbe. A partir de là, on a toujours cherché ces courbes pour rider, un peu comme en surf autant sur la mer qu’en montagne…

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Justement, la montagne !
La montagne, c’est le début de beaucoup de choses. En vérité après mon bac, j’ai poursuivi mes études en médecine, c’était quelque chose de familial si je peux dire…
A 24 ans, pendant ma dernière année de médecine, je suis invité pour une expédition, l’objectif : le mont Aconcágua en Argentine, dans la cordilière des Andes, presque 7000 mètres et des recherches sur la condition physique des athlètes dans un environnement extrême. Avant de partir, j’ai cherché des vêtements appropriés pour ne pas mourir de froid. Rien au Brésil. Alors je les ai fait moi-même, des vestes composées d’un tissu avec une membrane interne imperméable, permettant l’évacuation de la sueur et maintenant le corps au chaud. On a passé plus d’un mois dans la neige, il y avait TV Globo avec nous, les derniers jours, à 5000m d’altitude, on a vécu quatre jours de tempête de neige, l’enfer ! On était congelé, mais ça a été une expérience incroyable. Ça c’était vraiment extrême !

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C’était ton premier contact avec la vidéo ?
Pas exactement, mon père avait une super-8, on lui prenait, mon frère et moi pour filmer nos exploits en skate. Quelques années après l’expédition d’Aconcágua, en 89, je crois, j’ai découvert le snowboard, le mix parfait entre ma passion de toujours le surf et une nouvelle : la montagne !
On a commencé à se filmer en train de descendre les montagnes, peu à peu, des chaînes de TV ont eu besoin de contenu, nous ont contacté. A partir de là, on a commencé notre série « Surfing the Mountains », notre objectif, c’était filmer les meilleures montagnes du monde, pas les plus dangereuses mais les meilleures. L’Himalaya, l’Alaska, j’ai fait mes débuts sur le Mont-Blanc…
Tu as étudié en France, c’est ce pas ?
Oui, j’ai fait ma spécialisation en traumatologie du sport à la Pitié Salpetrière à Paris, j’y ai découvert beaucoup de choses, bien au-delà de la médecine.
J’ai passé du temps sur le Mont Blanc, j’ai découvert le matériel d’alpinisme européen, j’ai vu, surtout, que la veste que j’avais conçue pour notre expédition n’était vraiment pas si mal… En France, j’ai fréquenté pas mal de stylistes, je sortais beaucoup à Paris. En revenant au Brésil, j’ai quitté mon sud natal pour monter un service de réhabilitation à Rio de Janeiro. Là-bas, j’avais ma veste de montagne, je ne savais pas trop quoi en faire, ma copine de l’époque connaissait un styliste et on a fabriqué d’autres vestes de montagne… A Rio !
J’ai loué une boutique à Buzios, le St Tropez du Brésil, en face de Rio et puis j’ai lancé Osklen, une marque de sport de montagne tout en travaillant comme médecin !
Le lieu était tout indiqué, les gens qui fréquentaient les hôtels de Buzios étaient en fait ceux qui voyageaient dans le monde entier, donc ceux qui avaient besoin de vêtements chauds pour aller en Europe l’hiver.
Maintenant Osklen, c’est plutôt une marque qui sent bon le surf…

Les vestes de ski, seules, ne touchaient pas beaucoup de brésiliens, alors, j’ai agrémenté mon magasin de quelques bermudas, de t-shirts et de sacs.

Ça a marché, j’ai ouvert une seconde boutique, j’ai continué à créer des vêtements de montagne, j’ai importé le style snowboard au Brésil. Et puis en 91, j’ai défilé au Copacabana Palace, le côté sportswear se démarquait vraiment, ça a eu du succès ! Les années suivantes, lorsque je faisais le tour du monde pour surfer, pour escalader, pour découvrir… J’emmenais mes dernières créations. Au Népal, en Afrique, dans le Pantanal… Je suis allé surfer à Tahiti, c’est là que j’ai compris que pour le Brésil, le besoin c’était les vêtements de plage. Je me suis fabriqué un short pour aller surfer les vagues de Rio et puis je me suis dit : « ce short, il va plaire aux surfeurs ». Alors, en 1996, j’ai lancé une collection de bermuda de surfs aux imprimés façon Hibiscus avec un tissu spécifique Aqualight. Une nouveauté pour des brésiliens plutôt adeptes du sunga, un slip de bain plutôt échancré.

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Tu es passé de l’homme qui soigne à l’homme qui habille ?
C’est un peu ça oui, mais je vois ces deux fonctions assez proches finalement, quand j’étais médecin, ce que j’aimais, c’était observer le comportement des gens, de mes patients. Quand tu es médecin, c’est comme si tu créais une collection : en médecine tu te bases sur tes connaissances sur le corps, sur la physique, puis tu analyses et enfin tu donnes ton diagnostic. Ma vie n’a pas tant changé, je m’aide de mon expérience, je recherche des formes, des tissus, je rends ma collection comme je rendrais un diagnostic, c’est comme une analyse de la société qui m’entoure.
Si tous les médecins avaient ce côté artiste, ça se saurait… Ca ne viendrait pas aussi un peu de tes origines ?
Je pense que si, ma mère vient d’une famille d’artistes de Milan. Je n’ai pas eu de formation en art ou en mode mais je baigne dedans depuis très jeune. Dans l’art mais aussi dans le sport, je suis fasciné par la nature, ça, ça vient de mon père, mon nom signifie d’ailleurs en estonien : « gardien de la forêt ». (Ndlr : Oskar est d’ailleurs le consul honoraire de l’Estonie au Brésil). Je ne l’ai su que très tard, quand j’avais déjà commencé à travailler d’une façon durable, ma pratique du sport a, elle aussi, toujours combiné le sport et la nature, que ce soit dans l’escalade, le surf ou le snowboard…
C’est toi qui en parles et c’est plutôt intéressant, tu as commencé dans la mode par le sport, avec tes expéditions, ta boutique à Buzios…

Comment tu as transposé cette influence du sport dans tes collections actuelles ?
En fait, que ce soit au Brésil ou à Paris, j’ai beaucoup étudié la médecine sportive biomécanique, je suis passionné par le corps humain et son fonctionnement. Quand j’ai créé ma première veste de ski, ce que je recherchais c’était déjà l’alliance de la science et de l’esthétique, j’ai voulu créer un produit confortable, basé sur les mouvements du corps humain. Mais ici au Brésil, c’est surtout mes chaussures qui ont eu du succès. Je déteste les tennis, je ne comprends pas pourquoi tout le monde en porte sachant que ce n’est pas bon pour le corps, les hommes qui courent le plus vite, le fond sans semelle, les indiens d’Amazonie eux-mêmes n’utilisaient pas de chaussures. J’ai moi-même les pieds sur terre si on peut dire, les premières chaussures que j’ai créées, c’était parce que je voulais me sentir aussi bien sur le sable d’Ipanema que sur le sol en pierres quand je rentrais de ma séance de surf. Le design de ces chaussures, je l’ai bâti sur l’identité de Rio de Janeiro, tout est question d’équilibres : des chaussures à la fois cosmopolites et très surf, chic avec la simplicité des favelas. Je les voulais comme moi, terre à terre, proche du sol, proche de mon pays.
Indiens d’Amazonie, surf, favelas, tout ça sent bon le Brésil, la Brasilidade ?
Depuis que j’ai commencé, le Brésil m’a toujours inspiré, son extrême diversité, la multitude de ses cultures, ses paysages surtout. Je pars toujours d’une histoire, d’une scène, d’un concept. Après ça je crée une atmosphère, un climat, j’adore cette partie, et bien souvent j’ai fini la campagne avant d’avoir commencé la collection. Les pièces sont toutes destinées dans les moindres détails aux personnages de mon histoire.
Mes vêtements s’intègrent dans mon histoire mais suivent surtout ma ligne directrice de confort, c’est surtout ça ma Brasilidade, la forme est le point le plus important de mon vêtement, j’aime la liberté, la vague brésilienne.
La vague brésilienne ?
Personne ne comprend quand je dis ça (sourire).

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Voila, le trait droit, c’est le Bauhaus, c’est le jazz, c’est le football européen. Sur le deuxième graphique, tu as Niemeyer, tu as la Bossa Nova, tu as Pelé, Neymar.
Tu parles de Pelé, Neymar, ta marque est très axée sport, mais tu crées aussi des lignes mode, des lignes féminines ?
J’aime le mouvement, cette vague, cette onde brésilienne est partout ici à Rio, c’est en moi, j’ai commencé la mode par le sport parce que je suis fasciné par la gestuelle, la danse, le mouvement des sportifs : mes collections sont bâties autour de cette idées de mouvement : celui des surfeurs, des danseuses de ballet, des danseurs de capoeira…
En fait, à la fin des années 90, en plus des produits de snowboard, je proposais des produits de skateboard, de trekking, de randonnée, des lignes spécialement étudiées pour les sports d’aventure. A côté de ça, j’ai développé, avec la même recherche d’innovation une ligne plus mode. En 2003, Osklen Collection est née avec des pièces conceptuelles et en série limitée, c’est à ce moment là que je suis entré dans le bain de la Sao Paulo Fashion Week.
Pour les collections féminines (ndlr : les premières en 1999), ça n’a pas été facile au début, car j’ai toujours créé d’abord pour moi, pour répondre à ce que je voulais porter, et ne sachant pas dessiner, j’avais du mal à traduire mon idéal de femme élégante, moderne, sensuelle.
Une femme assez loin de nos clichés européens…
Pour moi, la sensualité est organique, chez la femme, je la retrouve dans la nuque, dans le dos, les épaules, plus que dans le décolleté par exemple… J’ai créé mes formes, mes classiques autour de cette idée, je veux avant tout que ces femmes soient à l’aise dans leurs vêtements, dans l’identité OSKLEN, elle a une élégance naturelle, athlétique sans forcément être sportive, elle n’est pas une férue de mode mais sait ce qui lui va.
Pour habiller cette femme, je suis épaulé par mon équipe, je leur donne mon idée, mon thème et elle m’épaule avec des réflexions, d’autres pistes, les tendances du moment, c’est un réel travail d’équipe.

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Une identité autour de la Brazilian Soul, d’une Sustentabilidade (ndlr : développement durable) mise en exergue par le forum Rio +20
La Nature, l’Humain ont toujours été au centre de mes préoccupations, que ce soit avec les e-brigade, Instituto E ou E-fabrics, j’essaye de les protéger, ou de minimiser mon impact sur eux, via l’utilisation d’énergies renouvelables, la construction de maison, l’aménagement de jardins de plantes médicinales.
En ce moment, j’ai toute une ligne construite autour de l’idée d’Agenda 21, c’est un groupe d’artistes, de scientifiques, de philosophes qui m’aident dans ce projet.
Dernièrement, pour notre défilé de juin 2012, Osklen a participé à un projet de suivi de l’empreinte écologique de la mode : Traces. Avec une équipe de chercheurs, on a analysé l’impact de six projets e-fabrics : au niveau de l’émission carbone, mais aussi sur la région, sur la vie des gens impliqués dans le processus e-fabrics. Nous avons recherché comment neutraliser les effets négatifs de ces processus en utilisant des énergies renouvelables, en construisant des maisons, en aménageant des jardins de plantes médicinales…
Pour le poisson Pirarucu par exemple, nous avons analysé l’impact de la pêche de ce poisson dans le Nordeste à la transformation de sa peau en accessoires en passant par le traitement et la teinte de sa peau.
Sur l’étiquette de ces accessoires, il y a l’empreinte carbone, le nombre de personnes impliquées, les projets développés en parallèle, le recyclage des déchets ou encore la carte des régions impactées par le processus de fabrication du produit.
Le consommateur a ainsi une autre relation à son sac en peau de Pirarucu, il en comprend la provenance, l’histoire, l’âme.
Tu inventes un luxe à la brésilienne ?
C’est un nouveau luxe oui, ce n’est pas une question de prix ou de marque mais simplement la mise en valeur d’un processus qui prend en compte la planète et l’homme.
Je pense que les copies chinoises perdent du terrain, les marques européennes, elles, ont perdu leurs valeurs pour vendre toujours plus, le Brésil a un rôle fondamental à jouer dans ce nouveau défi pour la terre mais ça ne doit pas se limiter à ces produits de mode pour lesquels la demande est faible, ça doit traverser tous les secteurs du Brésil, l’énergie, l’alimentation, le textile en général.
Après ta nomination comme ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO, tu as d’autres projets ?
J’en ai une réserve infinie, je partage mon temps entre ces e-fabrics, Instituto-e, mes défilés, mais aussi OM.ART, une agence de création que j’ai lancée pour promouvoir des projets artistiques, en collaboration avec Osklen ou non, que ce soit mes collaborations avec Rachuelo (ndlr : une chaine de magasin brésilienne), la marque de chaussures Melissa ou dernièrement Absolut qui m’a demandé de dessiner une bouteille pour Rio ou comme en 2010 lorsque la marque de tongs Ipanema s’est associé avec des artistes pour imaginer de nouvelles voies dans la création…
Je viens aussi de lancer A21 Pop Up Store à Ipanema, j’y réunis les œuvres d’artistes plastiques, de designers, de photographes mais aussi d’institutions environnementales, il sera ouvert jusqu’en juillet, il me permet d’être visible pendant le forum Rio +20 et de soutenir des projets qui me tiennent à cœur comme la FAS (Fondation Amazonie Sustentavel) avec qui j’ai créé une collection limitée de t-shirts, 7% des gains seront reversés à cette association qui prend soin du poumon de notre planète.
Osklen est créatif, innovant, respectueux, je veux transmettre cette identité, ces valeurs par tous les moyens possibles !

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