Errances spatio-temporelles dans les méandres de la nuit parisienne (part.III)

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Errances spatio-temporelles dans les méandres de la nuit parisienne : où l’on découvre comment le Pisco Sour remplaça la vodka pomme cette dernière décennie

Kikou les alcoolos. Comment va votre cirrhose du foie ? Ben oui mes enfants, avec les litres de vodkas bon marché que vous vous êtes enfilés depuis vos 14 balais, c’est plus la grande forme… Heureusement qu’en prenant de la bouteille (si je peux me permettre), vous avez réussi à préserver votre honneur en abandonnant le bon vieux malibu ananas de votre première biture adolescente pour vous tourner vers la consommation de cocktails aux arômes autrement plus subtils.

Toujours dans notre recherche des phénomènes qui ont bouleversés la nuit à Paris sur la dernière décennie, je vais vous parler aujourd’hui de cocktails. Attendez… J’ai dit Cocktail, pas votre vulgaire verre de whisky coke micro dosé que vous avez acheté 12 € vendredi soir dernier au Showcase… Je vais vous parler de composition, de création, d’assemblages subtils de liqueurs et autres ingrédients pour exciter vos papilles et vos neurones…

En 1999, nous n’avions pas trop le choix : remember la vodka orange, le malibu ananas, le skaaaïe coke et le Gin-to… So 80’s et tellement moins évocateurs que les perroquets, mauresques et autres cosmo de nos parents.

Premier changement radical des 2000’s : la frénésie nouvelle pour la vodka pomme… Rappelez-vous, après 4 ans d’exil à Madrid où je bossais la nuit en enquillant les vodkas red bulls (interdites en France à l’époque), je retourne définitivement à Paris en 2003 et qu’elle ne fut pas ma surprise de découvrir que la vodka pomme était devenue la reine des Hard. Vous me direz, on buvait déjà des caï et des mojitos – effet coupe du monde 98-, mais rien de nouveau à part la vodka pomme (et en Normandie, le calto, calva/tonique). Wouah ! Quelle innovation… Pire ! Après la vodka pomme, vint la mode de la vodka cranberry! Ouhouhouh, « tu as vu j’ai la langue toute rouge ! » Non mais ! Mais bon, ne nous plaignons pas, car sur l’échelle du bon goût éthylique, nous ne sommes pas les derniers : qui ne s’est jamais tapé une cuite au Kalimutxo (subtil mélange de piquette « Don Simon »[l’équivalent espagnol de notre villageoise] et de coke) sur la place centrale de Valencia, ou au diesel teutons, mélange de bière et de coca.

Et puis il y a eu ce fantasme new yorkais qui débarqua à Paris par la petite porte : le bar à cocktail. Plus besoin d’aller dans un bar d’hôtel pour boire son white russian, Paris vit pousser comme des champignons des bars à cocktail à l’ambiance tripot jazzy bon enfant… L’expérimental, en 2007 si je ne m’abuse. Fini les longs drinks douteux! Enfin de la création dans nos verres pour valoriser notre patrimoine en matière de liqueurs et de spiritueux.

La suite vous la connaissez ! Le baron, (toujours les mêmes), dotent son bar de fruits frais et de Barmen sympathiques qui vous réalisent le cocktail de vos rèves-à-15€… Puis le Paris Paris où je passais consommer ma ration quotidienne de fruits frais en purée agrémentés de vodka. S’ensuivirent le Curlio Parlor, la Conserverie, le bar de l’hôtel Jules et Jim et plus récemment, le Glass et le Ballroom.

Evolution de l’offre = évolution de l’acteur. Le barman, période Cocktail avec Tom Cruise, commençait à prendre de la poussière. Nouvel héros de la nuit, on s’inspire de nos compatriotes américains et voilà le barman transformé en mixologue. Le pro de la secousse du poignet au service de nos papilles. L’alchimiste des temps modernes. Après le dj, le physio, le rp, la gogo, la drag queen, le DA et le rockeur, le mixologue s’éleva au rang des métiers les plus adulés la nuit (et le jour). Il fait et défait les modes… Rappelez-vous cet engouement l’été 2012 pour le subtil mélange concombre vodka menthe en mode mojito. Derrière, il y avait notre mixologue préféré. La tendance à venir ? A en croire mon pote Seb, manager du bar/restaurant du club rock Le Bus Palladium, on se dirige vers l’hyper personnalisation : dis-moi qui tu es, ferme les yeux et découvre ce que je t’ai concocté.

Personnaliser le service, voilà le nouveau changement dans l’univers du cocktail

4 questions à Sébastien Gellé, Responsable du bar et du restaurant du club Le Bus Palladium

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Tu travailles depuis 13 dans la restauration et la nuit. Quels sont les cocktails en vogue début 2000 ?

J’ai commencé comme responsable de bar chez Régine en 2003. Le club venait d’être repris par Laurent de Gourcuff. A l’époque, on baignait en pleine tendance mojito et cai. Effet coupe du monde 98. Nous préparions également les intemporels Margarita, long island, B52. Les shots flambés avaient la côte. Après un shot, les clients repartaient sec sur la piste de danse. Je me souviens également de cette nouvelle tendance à demander des cocktails en shot. Au lieu de verser le cocktail dans un verre, on le servait en shots répartis entre le nombre de clients.
Pour exciter mes papilles, j’allais au Thoumieux, un bar dans le 7ème où j’aimais trainer mes guêtres. Le bar, très avant-gardiste, était spécialisé dans la vodka grâce notamment à son partenariat avec Absolut. Il proposait environ une 50aine de parfums et plus de 10 rhums différents. Les barmans avaient pris l’habitude d’expérimenter de nouveaux cocktails. 

Comment le cocktail est-il devenu un incontournable ces 10 dernières années ?

Je crois que l’essor du cocktail est lié à l’explosion des voyages et des séjours prolongés à l’étranger. Les barmans sont par définition des gens très mobiles. Ils vont tenter l’aventure et reviennent avec de nouvelles idées. Les grands établissements qui ouvrent des succursales à l’étranger ont également joué un rôle dans la promotion du cocktail en s’adaptent aux consommations locales. Les dirigeants découvrent le savoir-faire local et ramènent les bonnes idées.

Quelle est la tendance de demain ?

Pour moi, il n’est pas dans le produit mais dans le service. Aujourd’hui, les ingrédients et les cocktails sont de qualité, la créativité est au rendez-vous, les français disposent d’un savoir-faire qui s’exporte et les jeunes générations ont redécouvert les vieilles liqueurs et autres spiritueux qui étaient passés de mode –au détriment du vin d’ailleurs. Le changement se fera et –se fait déjà d’ailleurs –dans la personnalisation du service. Le barman est à l’écoute du client et compose le breuvage selon ses envies et son humeur. Le barman accompagne le client hors des sentiers battus. Il permet au client de laisser ses préoccupations derrière. C’est le « service à la carte » par excellence !

Ton cocktail préféré ?

Un rhum ambré Sailor Jerry, avec gingembre et citron vert sucrée au sirop canne et un trait de ginger ale. Et sinon, mon cocktail perso : le Daiki Seb dont la base est un daikiri avec un zeste de gingembre.

Le restaurant du Bus Palladium est ouvert du mardi au samedi, à partir de 20h
Concert et club à partir de 22.00
Lebuspalladium.com

Texte : François Capdeville
Crédit photo : François Capdeville

 

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